Matthias Göhler explique la stratégie de Zendesk
À l’occasion de Relate, la conférence annuelle de Zendesk organisée à Las Vegas, BDM a pu rencontrer Matthias Göhler, CTO du groupe pour la région EMEA. Il nous a expliqué les priorités stratégiques de Zendesk en matière de service client, mais également de service aux employés, ainsi que les objectifs en matière d’IA et sa vision de l’expérience client pour les années à venir.


Matthias Göhler, CTO EMEA chez Zendesk
Après notamment 5 ans chez Gemini Consulting, puis de nombreuses années chez SAP AG puis Hybris, Matthias Göhler est désormais CTO (Chief Technology Officer) pour la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) depuis octobre 2021.
Zendesk a évolué significativement ces dernières années. Quelles sont aujourd’hui les priorités stratégiques qui façonnent votre vision ?
Nous sommes une entreprise dédiée au service client, mais aussi au service aux employés. Notre objectif principal est d’aider nos clients à offrir le meilleur service possible à leurs propres clients, qu’ils soient externes ou internes. C’est ce qui guide notre approche produit : nous nous demandons comment faire évoluer notre offre – à travers des leviers comme l’IA ou l’omnicanal – pour permettre à nos clients de remplir cette mission.
Et, dans l’autre sens, nous cherchons aussi à être exemplaires nous-mêmes, en offrant une expérience fluide et cohérente tout au long du parcours client, de la première interaction à l’après-vente. C’est notre ADN depuis 17 ans. Avec plus de 100 000 clients, je pense que nous avons montré notre capacité à évoluer dans ce sens.
Les attentes des clients évoluent rapidement, en externe comme en interne. Quelles évolutions de comportement observez-vous, et comment Zendesk s’y adapte-t-il ?
L’attente fondamentale reste la même : lorsqu’un client contacte une entreprise, pour une question, une réclamation ou une demande, il souhaite une réponse rapide, précise, sans avoir à se répéter, idéalement dès la première fois et de manière fluide.
C’était vrai pour mes parents, c’est vrai pour moi, et ce le sera probablement aussi pour mes enfants. Ce qui a évolué, c’est la manière dont ces attentes s’expriment.
Mes parents privilégiaient le contact humain ; ma fille, par exemple, a changé de banque car on lui demandait de se déplacer pour signer un contrat. Elle a préféré une solution 100 % en ligne.. Aujourd’hui, les clients attendent des services accessibles depuis leur mobile, disponibles en ligne et en libre-service, à toute heure, y compris la nuit ou le week-end. C’est là qu’interviennent les agents IA, qui incarnent une nouvelle forme de libre-service, capable de répondre efficacement à ces nouveaux comportements.
L’IA est au cœur des stratégies de service client. Jusqu’où peut-elle aller dans l’automatisation sans compromettre l’expérience ?
Nous pensons que 80 % des interactions peuvent être entièrement automatisées. Les deux principales catégories concernent les commandes (livraison, retours, remboursements…) et la facturation. Ce sont des demandes simples et répétitives, qui se prêtent bien à l’automatisation.
Cela nécessite bien sûr des processus fiables, une bonne conception et des données de qualité. Si tout est bien en place, l’expérience client peut même s’en trouver améliorée : le client peut résoudre son problème en autonomie, au moment qui lui convient, en quelques minutes.
C’est souvent plus efficace, et plus agréable, que d’appeler un service client et de patienter. Et, soyons honnêtes, il nous est tous arrivé de devoir rappeler parce qu’un agent humain n’avait pas pu résoudre notre problème. L’automatisation peut donc, dans bien des cas, apporter un meilleur service.
Dans quels cas les agents IA peuvent-ils opérer en autonomie, et où faut-il encore une intervention humaine ?
Trois situations principales nécessitent encore une intervention humaine :
- À la demande du client : il est essentiel de toujours offrir une option simple pour être mis en relation avec un agent. L’idéal est de collecter quelques informations en amont pour orienter la demande vers la bonne personne, sans que le client ait à se répéter.
- Pour des raisons légales : en Europe, par exemple, l’IA n’a pas le droit de fournir des conseils financiers.
- Dans les cas sensibles ou complexes : certaines situations nécessitent une prise en charge humaine. Cela dit, avec la nouvelle génération d’agents IA que nous venons de lancer, la gestion de ces cas complexes sera de plus en plus accessible à l’automatisation.
Et pour les agents humains, comment l’IA les aide-t-elle ?
Elle les soutient dans toutes les autres situations. Nous avons, par exemple, un copilote IA qui accompagne l’agent dans la résolution du cas client. Nous utilisons également l’IA pour assurer le contrôle qualité : elle permet de surveiller l’ensemble des interactions et d’identifier celles où la qualité n’est pas au rendez-vous, afin que les agents puissent apprendre et s’améliorer.
L’IA sert aussi à prévoir les ressources nécessaires, en répondant à des questions comme : combien de personnes faut-il mobiliser, dans quelles langues, dans quels pays, et à quel niveau de compétence pour garantir une bonne répartition des effectifs. Nous avons aussi du reporting alimenté par l’IA, avec la possibilité de générer des rapports à partir de requêtes formulées en langage naturel. Donc oui, l’agent IA est important, mais l’IA est en réalité présente dans toute la chaîne, bien au-delà des interactions automatisées.
Les interactions clients sont très fragmentées aujourd’hui. Quels canaux émergents façonneront l’avenir du service client ?
(clin d’œil au téléphone posé sur la table) Celui-là. Le digital, et en particulier le mobile, sont clairement au cœur des usages. Le fax est sans doute révolu – même si mon docteur l’utilise encore (rires) – et les lettres physiques se raréfient. Mais des canaux comme l’email, le web, les formulaires, le chat en ligne, les applications mobiles ou les réseaux sociaux restent essentiels. Le téléphone – l’appel -, lui, continuera d’exister, mais comme canal d’escalade : si une interaction via un bot échoue, le client pourra appeler ou déclencher un appel.
Le canal devient secondaire : c’est la continuité de l’expérience qui prime.
Ce qui importe vraiment, c’est que l’expérience soit fluide et unifiée. Avec Zendesk, l’agent reçoit toutes les demandes dans une interface unique, quel que soit le canal utilisé. Il peut, par exemple, répondre sur WhatsApp, puis envoyer un document par email, sans changer d’écran. Le canal devient secondaire : c’est la continuité de l’expérience qui prime.
L’UE impose des règles plus strictes (AI Act, RGPD…) que les États-Unis notamment. Quel impact cela a-t-il sur votre développement produit ?
Nous sommes une entreprise mondiale, active sur tous les marchés. Le RGPD impose certaines étapes, comme recueillir et documenter le consentement, mais cela ne bloque pas l’innovation. Nous sommes conformes au RGPD, nous travaillons actuellement sur l’AI Act européen, comme l’ensemble des acteurs du secteur. Et chaque marché a ses propres règles. Partout dans le monde, les préoccupations des clients sont les mêmes : leurs données sont-elles sécurisées ? L’IA est-elle fiable, sans biais ? Leurs données sont-elles utilisées pour entraîner des modèles ? Sur ces sujets, nous sommes très transparents et publions tout ce que nous faisons.
Par exemple, nous proposons la suppression automatisée des données, le chiffrement avec clé personnelle, la détection d’entités sensibles dans les échanges libres pour qu’elles soient effacées avant stockage. Et surtout, nous n’utilisons pas les données de nos clients pour entraîner nos modèles. Un point peut-être plus spécifique à l’Europe, c’est la localisation des données : beaucoup de clients veulent que leurs données restent dans l’Union européenne. C’est une garantie que nous offrons.
À quoi ressemblera une interaction client typique dans 5 à 10 ans ?
L’avenir repose sur une combinaison d’automatisation (avec un objectif de 80 %) et d’IA pour traiter le reste de manière très efficace. Je suis convaincu qu’on peut, en parallèle, améliorer la rentabilité et la satisfaction client. Certains de nos clients atteignent déjà 40 à 50 % d’automatisation, et nous observons chez eux une hausse de leur indice de satisfaction.
Enfin, si vous deviez résumer en une phrase comment Zendesk redéfinit l’expérience client pour le futur ?
Je ne suis pas un marketeur, je ne suis pas le meilleur pour cet exercice… Je pourrais demander à ChatGPT ? (rires) Mais pour moi, le futur est clairement centré sur l’IA : automatiser 80 % des cas et rendre le reste plus efficace. Si c’est bien fait, on améliore à la fois l’efficacité opérationnelle et la satisfaction client. Et bien sûr, il y a notre mission officielle : « Chez Zendesk, nous avons pour mission d’offrir un service exceptionnel à chaque personne sur la planète. »
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Khamallah Abdel khalik
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